top of page

IT WAS A LOVELY MOON

Tsuki wa noborinu (La lune s'est levée) , Kinuyo Tanaka.


painting brushes

Pour ouvrir la diffusion des films sélectionnés à Cannes Classics, section des films de patrimoine et des documentaires sur le cinéma, les organisateurs ont choisi de mettre à l'honneur le cinéma japonais ou plus précisément, l'âge d'or du cinéma japonais. Mais plutôt que de reprendre les grands classiques (Voyage à Tokyo, qui est déjà passé à Cannes Classics, par exemple), les organisateurs ont privilégié la mise en avant de Kinuyo Tanaka.


Cette actrice immense, nous la connaissions pour ses rôles chez Ozu, chez Mizoguchi. Mais celle qui fut la muse des géants du Japon a aussi été réalisatrice, et ses œuvres ont malheureusement trop vite été oubliées (sans doute sa condition de femme dans un milieu largement dominé par les hommes y a été pour quelque chose). Pourtant, Tsuki wa noborinu est une perle, et l'on se doit de remercier les studios qui se sont donnés les moyens et la peine de restaurer ce récit tout plein d'insouciance et de candeur. Carlotta Films et leurs partenaires ont fait un travail remarquable, permettant à la petite centaine de spectateur en salle Buñuel de profiter d'un moment inédit.

Tsuki wa noborinu est une histoire qui n'est pas sans rappeler les grands classiques d'Ozu : un père veuf, trois filles, deux en âge d'être mariées et une veuve (à remarier, donc). La ressemblance n'est pas fortuite : c'est Yasujirō Ozu lui-même qui a écrit le scénario. Il aurait même dû réaliser le film, n'eût été une grève des scénaristes qui lui a fait le donner à son actrice fétiche. En regardant les premières minutes du film de Tanaka, on reconnaît des traits de caractère propre à l'auteur du scénario : les plans sont fixes, à hauteur d'homme assis et s'enchaînent dans une simplicité épurée... On pénètre dans la maison des protagonistes pour retrouver Chishū Ryū en père, rôle qu'il tient comme à son habitude avec une justesse maîtrisée.


« Mais très vite, Tanaka s'émancipe, et de la patte d'Ozu ne reste que le fond, la trame. La caméra s'élève, s'avance, se tourne, suit les personnages. ».

Soulignons une composition impeccable, tout en douce rigueur : rien n'est laissé au hasard, même (surtout) pour les plans de transitions, entre différents lieux de la diégèse. Par cette mise en scène subtile mais affirmée, l'actrice devenue réalisatrice donne aux histoires d'amour des trois sœurs, qui s'entremêlent, une saveur particulière : Celle des émois de la première rencontre, des sourires timides, des mots que l'on ose pas dire et du oui qui fait s'emballer le cœur et rougir le visage. Si des rires ont résonné dans la salle pendant les scènes de l'étang Yukige, c'est que ceux qui riaient se retrouvaient dans ses personnages patauds et penauds devant des sentiments un peu trop grands pour eux. Aussi, Tanaka n'a pas son pareil pour sublimer ces actrices : dans les gros plans, avec le rire faussement niais de Mie Kitahara, dans des plans plus larges, avec Yōko Sugi qui regarde vers la lune, amoureuse et insouciante, l'intrigue se suspend aux lèvres des trois femmes. Une mention toute particulière à Tanaka elle-même, dans le rôle de la plus vieille des sœurs, Yoneya, et sa relation avec Takasu : une relation qui ne s'avoue jamais, mais que les larmes de Yoneya finissent par trahir.

Que dire de plus ? Tanaka a une place toute méritée, seule réalisatrice de l'âge d'or du cinéma japonais, bien calée entre Kurosawa et Mizoguchi. Et quand on sait que sa filmographie (six films au total) va être restaurée, on ne peut qu'attendre avec impatience pour découvrir son travail derrière la caméra.


Critique de Paul MOINGS



  • Instagram

Bonjour et merci pour votre visite !

Ces articles ont été rédigé par des élèves de la Sorbonne Nouvelle. Pour en savoir plus sur nous, n'hésitez pas à aller voir dans l'onglet "À propos" en cliquant sur le bouton ci-dessous !

Sans titre-1.png
bottom of page