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ET J'AIME À LA FUREUR de André Bonzel

Je baise donc je suis.


painting brushes

Et j'aime à la fureur les choses où le son se mêle à la lumière, quelques vers de Baudelaire qui inspirent le titre de son documentaire à André Bonzel.

Pourquoi choisir ces mots des Bijoux pour nommer son film ? Peut-être pour la sensualité exacerbée du poème, miroir d'une part essentielle du film de Bonzel : un rapport privilégié avec le sexe. « Coito ergo sum », nous dit-il en parodiant Descartes. Je baise donc je suis, ou je suis en baisant, ou je baise et j'existe. Découlant de cette information (soulignons le sens de la formule), le film multiplie les images d'archives de nus, de femmes dénudées, toutes aussi belles les unes que les autres dans leur simplicité et leur regard au fur et à mesure que défilent les époques. Des images en noir et blanc, des films abîmés, restaurés, agrandis, servant à l'illustration de l'histoire de la famille du réalisateur, une histoire personnelle.


Celle-ci part du bisaïeul, jusqu'au présent, et André Bonzel la dresse à partir des bobines qu'il a récupéré, collectionné ou dont il a hérité. Le montage de ce patchwork, accompagné des commentaires de Bonzel, possède un charme certain. Une crainte légitime était de se sentir, en tant que spectateur, écarté d'un film possiblement trop intimiste. Le réalisateur évite cet écueil grâce à un humour plein de recul et de second degré. Au-delà du caractère parfois boute-en-train de ses réflexions, il se livre honnêtement sur sa relation compliquée avec son père, relation basée très largement sur de la haine et de l'incompréhension envers cet être « gros et dégoûtant », constamment absent, et auquel il ressemble malgré lui. Un extrait passe sur l'écran : son père, encore jeune, caresse les cheveux d'un André Bonzel encore enfant. La voix de ce dernier, adulte, manifeste sa surprise, son choc.

« L'alliance de l'image du passé et du regard du présent provoque un effet assurément réussi ».

L'histoire de sa famille, de l'arrière-grand-père jusqu'à lui, raconte la transmission d'un amour du cinéma et d'un amour des femmes. Assez logiquement, elle se met au diapason de l'histoire du cinéma, et même de l'Histoire, tout court. Suivant cette obsession héréditaire pour le sexe, ce besoin constant de filmer, les images se succèdent allégrement en sautant du noir et blanc à la couleur, appuyées par la musique de Benjamin Biolay.

« [Benjamin Biolay] a su recréer une ambiance pour chaque image, pour chaque époque : c'est un tour de force ».

Si Bonzel parle beaucoup de la famille qu'on a et qu'on ne choisit pas, il évoque aussi ses amis, son premier film C'est arrivé près de chez vous. Le réalisateur se rappelle, images à l'appui, du tournage, de ses années d'études à Bruxelles, de cette époque où rien n'était important et tout semblait possible et où on faisait des films avec trois fois rien. C'était quand même bien d'avoir vingt ans dans les années 80.


Le cinéma, l'amour, le sexe, la famille : Et j'aime à la fureur est un documentaire aux multiples facettes, une déclaration d'amour passionnelle et obsessionnelle. C'est un grand merci d'André Bonzel au cinéma, et aussi aux filles : de sa première à sa dernière amoureuse, en passant par toutes celles entre les deux.



Critique de Paul Moings



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