FRIENSHIP'S DEATH de Peter Wollen

Sélection Cannes Classics 2021

Présenté cette année dans la sélection Cannes Classics, le film Frienship’s death (1987) ressort de l’ombre grâce à une magnifique restauration permise par l’acharnement de son actrice principale.

Tilda Swinton, ayant pu adresser quelques mots avant le début de la projection, apparaissait émue et enthousiaste à l’idée de donner une seconde vie à ce film qu’elle regrettait de voir tomber dans l’oubli. À présent qu’une version digitale du film existe, peut-on espérer observer un regain de popularité pour celui-ci ? Quel impact ce film peut-il avoir sur le spectateur de 2021?

Dès les premiers instants, Peter Wollen nous déroute en installant les bases de son intrigue, qui repose sur la particularité de l’héroïne principale (Friendship) interprétée par Tilda Swinton. Cette jeune femme mystérieuse que l’on voit arriver dans la ville d’Amman, démunie de tout justificatif d’identité et toute affaire personnelle se révèle être un robot de la planète Procyon, envoyé sur Terre afin d’y répandre la paix.

Elle se lie rapidement d’amitié avec Kebler, un journaliste de terrain envoyé à Amman pour envoyer des rapports réguliers concernant l’évolution de la guerre. En effet, la Palestine meurtrie par la guerre et assaillie par un flux quasi-constant de tirs de mitraillettes (qui constituent le paysage sonore d’une très grande partie du film) sert de trame narrative. Ce film serait assez justement associé au genre de la science-fiction, et pourtant sa mise en scène en huis-clos et sa narration portée par uniquement deux acteurs durant la vaste majorité du film le marginalise par rapport aux autres films de ce genre très codifié. Protégés par la prison dorée que constitue leur hôtel, Friendship et Kleber passent de longues heures à échanger et à débattre autour de sujets à propos desquels ils tombent souvent en désaccord. La nature humaine (et donc intrinsèquement imparfaite) de Kleber fait l’objet d’une fascination ouvertement assumée par Friendship qui souhaite par-dessus tout le comprendre. En faisant de sa créature robotique un être plein de sagesse et de bienveillance, Peter Swollen fait une critique assumée de tous les défauts qu’il associe aux êtres humains. Le théoricien qui s’est essayé au rôle de réalisateur prouve sa maîtrise du domaine littéraire au travers de dialogues très (et parfois trop) expansifs, mais toujours remplis de philosophie. Le film a marchandé son potentiel visuel au profit de la qualité de son scénario et de ses dialogues, dans lesquels nous retrouvons une certaine forme de génie. Cependant les dialogues, aussi riches et intéressants soient-ils, ne sont pas suffisamment soutenus par la dimension visuelle du film.

« Les plans fixes et les cadrages peu travaillés choisis par le réalisateur finissent par ennuyer le spectateur qui doit s’accrocher afin de ne pas perdre le fil des longs échanges entretenus par Friendship et son ami. ».

Fort heureusement, Tilda Swinton a donné vie à une Friendship à la fois mystique et affable, qui parvient à captiver notre attention. Son évolution au fil du temps est subtile, mais son importance est capitale. Son amour grandissant pour le peuple palestinien la rend de plus en plus engagée et passionnée dans sa lutte pour la paix.

Le film raisonne encore à notre époque, car 34 ans après la sortie du film, le conflit dont il est question reste un sujet épineux. Ces 34 ans n’auront pas non plus aidé à modifier la nature humaine, qui peut toujours retrouver en Kleber tous les défauts dont elle ne parvient pas à se débarrasser.

L’amour de Friendship pour la planète Terre finit cependant par nous aider à éprouver de l’affection et de la compassion envers l’espèce humaine, et à désirer encore plus intensément la paix entre les Hommes.

« La restauration de Friendship’s death est une bonne nouvelle pour les cinéphiles, mais aussi les philanthropes ».

Critique de Anna Perdrix