LA FRACTURE de Catherine Corsini

Le militantisme au cinéma, un souffle d'espoir

Débutons par la fin. Une ovation debout qui dura une dizaine de minutes lors de l’avant-première de « la Fracture » réalisé par Catherine Corsini. La magnifique réceptivité du public à l’égard du film a entraîné un sentiment de solidarité et de militantisme presque palpable dans l’air du Grand Théâtre Lumière.

C’est un film qui se veut dénonciateur d’un système français capitaliste dans lequel s’est installée une véritable guerre des classes. La police est devenue un outil dévastateur réprimant toutes manifestations et qui n’hésite pas à utiliser des armes surpuissantes face à des civil.e.s qui ne demandent qu’à être entendu.e.s par son gouvernement. En 2020, un rapport d’Amnesty International inquiète la population française en déclarant que la France est le pays le plus équipé en armes de « dispersion » pour les manifestations.

« Ce film n’est pas une fiction, il s’agit bel et bien de notre société ! »

À notre époque où l’usage des camions policiers à canon à eau, de la LBD à bout portant, ou encore l’utilisation de la bombe lacrymogène à moins d’un mètre de la cible n’a cessé de tuer des civil.e.s manifestant.e.s ou non, ce film a su cerner et conserver la véritable ambiance qui règne lors de ces manifestations. Cette ambiance de guerre et d’angoisse, de répression et de haine, de combativité absurde et violente. Le spectateur a pu ressentir cette anxiété qui, dans les manifestations, vous perfore l’estomac de par sa grandeur.

« Après avoir eu les rôles des « grands méchants » dans le monumental film « Adieux les cons » d’Albert Dupontel, les policiers et gendarmes ont visiblement de nouveau réussi leurs auditions pour interpréter ce même rôle dans « la Fracture ». L’unanimité, concernant l’usage des forces de l’ordre, devrait être entendue ».

Le personnel hospitalier joue son propre rôle dans ce film. Catherine Corsini fait le choix judicieux de ne pas utiliser d’acteur.rice.s pour montrer à l’écran les conditions invivables de travail des soignant.e.s. Dans le film, Kim fait partie du personnel soignant et va devoir traverser certainement la nuit la plus mouvementée qu’elle n’est connue dans sa carrière en gérant de front une grande quantité de patients de tous genres, ainsi que son bébé qui entame une trachéite. En plus des patients aux problèmes « habituels » (chute, arrêts cardiaques, …), Kim voit arriver dans son service, suite à une manifestation de gilets jaunes violemment réprimée, des très nombreux blessé.e.s de guerre. Leurs meurtrissures sont d’une gravité extrême et rarement vue.

Yann, interprété par Pio Marmai, est un militant gilet jaune issu d’une classe sociale pauvre qui a été touché par une grenade LBD directement sur la jambe lors de la manifestations gilets jaunes. Ce qui appuie directement son environnement social, c’est la manière dont il veut sortir de l’hôpital pour ne pas perdre son métier de chauffeur de camions alors que sa jambe est criblée de débris de grenade.

Valeria Bruni Tedesci et Marina Foïs incarnent un couple de parisiennes d’un milieu plutôt aisé : Raf et Julie. Les deux amantes sont au bord de la rupture définitive. En voulant rattraper Julie dans la rue, Raf se fracture le coude et rejoint l’hôpital de toute urgence. Julie va la rejoindre malgré les dysfonctionnements de leur couple. Yann et Raf vont se rencontrer autour d’une dispute dans les urgences. Ils ont des avis politiques très divergents mais au cours de cette nuit à l’hôpital, ils vont devoir se serrer les coudes pour sortir d’une situation explosive.

La fin est à l’image de notre société où ce sont toujours les mêmes qui s’en sortent quasiment intact : les classes favorisées. Mais voir un film aussi criant de vérité et de pleine conscience est, pour la jeunesse, un véritable souffle d’espoir.

Critique de Lorenzo VIALE