LETTER FROM AN UNKNOWN WOMAN de Max Ophüls
Sélection Cannes Classics 2021
Histoire d'amour et d'oubli
C’est en version restaurée qu’est présenté le film Letter from an unknown woman (1948) de Max Ophülus dans la section Cannes Classics du festival cette année. Un drame romantique librement adapté de la nouvelle éponyme de Stefan Zweig, mettant en scène Joan Fontaine et Louis Jourdan dans les rôles titres. Une rencontre imprévue, un coup de foudre comme on les connaît si bien au cinéma. Pourtant, ce n’est pas tant l’histoire d’amour qui importe que ce qui en découle : l’oubli d’une passion, d’un visage. « Je serais là dans deux semaines » crie Stefan Brand à la porte du train, laissant derrière lui le souvenir d’une femme qu’il ne reverra que des années plus tard. Avec sa carrière de pianiste, les rencontres ne manquent pas pour lui alors que Lisa Berndle, incarnée par Joan Fontaine, élève leur enfant seule, sans lui faire part de sa grossesse. Un mariage de confort plus tard, le musicien et amant réapparaît dans la vie de Lisa et tout est à nouveau bouleversé. Prête à quitter ce qu’elle a construit pour cet homme, elle se rend compte qu’elle n’est pour lui qu’une inconnue, il se comporte avec elle comme il le ferait avec une autre femme, en employant les mêmes gestes, en prononçant les mêmes mots. Vient alors la lettre, celle qu'elle écrit pour lui témoigner de leur histoire, dernier lien entre les deux amants.
L’intrigue place les personnages dans des rôles bien défini : la femme tombe éperdument amoureuse d’un homme qui, malgré les apparences et les belles paroles à tôt fait d’oublier ce qu’ils ont vécu. Alors qu’elle est dans l’attente et dans la projection de celui qu’elle aime, il parcourt la terre à la recherche de la gloire et du succès.
« Malgré les problématiques que pose le film à nos yeux d’aujourd’hui, Lisa aborde un caractère affirmé, elle sait dire non et elle le fait sans sourcilier ».
Non au mariage d’argent, non à un homme qui ne l’a considère pas pour qui elle est. Bien que la peine du personnage se fasse ressentir, le réalisateur ne tombe pas dans le drama : la jeune femme construit sa vie de manière indépendante jusqu’à ce que l’ordre des choses ne viennent une nouvelle fois tout bouleverser. Lisa est un personnage complexe, oscillant entre affirmation et soumission vis-à-vis de Stefan, elle ne le recontacte pas, ne veut pas lui demander d’aide mais sa vie est basée sur le souvenir de leur rencontre. Lorsqu’on lui demande si elle est heureuse, elle ne répond pas, ou demande avec amertume pourquoi elle ne le serait pas.
« Quelques longueurs se font sentir au début de l’intrigue avec la mise en perspective des deux personnages et l’établissement de la rencontre mais le réalisateur réussit à nous plonger dans son univers tout aussi poétique que dramatique ».
L’histoire d’une lettre, d’une rencontre quelques années plus tôt, celle qui forge et détruit une vie tout à la fois. L’oubli comme pire des trahisons, la bascule du tout dernier espoir.
Critique de Marguerite Maxit
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