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MONANIENBA (Le repentir) de Tengiz Abouladzé.

Le Repentir


painting brushes

Valram Aravidzé est mort, autour de lui se réunissent ses amis et ses proches.


On le porte en terre puis on s'en va, après une cérémonie en grandes pompes. Mais voilà que le cadavre est déterré et déposé dans une mise en scène macabre au milieu du jardin des Aravidzé. Alors on le réenterre. Et à nouveau, il est déterré. Trois fois, on le remet dans sa tombe. Lorsque le profanateur essaie de l'en sortir une troisième fois, il est arrêté. C'est une femme. Qui est-elle ? Que veut-elle ?


Keti Barteli, c'est son nom, s'explique au tribunal : elle raconte sa vie et celle de ses parents dans la ville de Géorgie dont Varlam était maire, quand elle avait huit ans. L'homme, dès son investiture, apparaît avec la moustache d'Hitler et la chemise de Mussolini : le genre de cocktail qui n'annonce pas que des bons moments. Pourtant, au début, il est sympathique : compréhensif, à l'écoute, calme, drôle... Son vrai visage se révèle peu à peu. Un être arbitraire, susceptible, paranoïaque, imprévisible, et surtout, puissant. Il devient l'objet de toutes les peurs, chacune de ses apparitions pouvant se solder par un enfermement. Celui qui s'oppose à lui disparaît dans la nuit : Keti explique comment son père a été arrêté et condamné à mort, idem pour les amis de ses parents, pour sa mère.


« Tenguiz Abouladzé alterne les séquences vraisemblables (celles du tribunal, essentiellement) et celles, pétries tantôt d'humour noir, tantôt de gravité et symbolique religieuse (parfois les deux) des rêves et de la vie de ceux qui sont traqués par Varlam ».

Certains moments, servis par une photographie de Mikhaïl Agranovitch, sont stupéfiants. Ainsi, Varlam entre chez Sandro Barteli (père de Keti) en chantant de l'opéra, puis ouvre son manteau d'où sort en courant Abel, portrait craché de son père. Lequel est, pendant les séquences du tribunal, joué par le même acteur que Varlam, Avtandil Makharadzé. Quelques autres scènes visuellement très belles sont à souligner : Sandro, en Christ martyr, tué pour avoir dit la vérité ; la justice aveugle guidée par la corruption (les deux personnages sont allégoriques).


Keti demande la justice pour ses parents, et pour toutes les victimes de Varlam. Ce qu'elle demande, c'est ce fameux repentir. Tant que la famille Aravidzé ne se sera pas humiliée en déterrant elle-même le cadavre de Varlam, Keti ira chaque nuit le faire de ses propres mains.


Le film ne sort qu'en 1987, après des années de censure, et l'on saisit très vite les raisons qui ont poussé le régime soviétique à vouloir le garder dans l'ombre. Les déportations, les condamnations sans fondements, le tribunal complètement corrompu, sont autant d'éléments qui ne penchaient pas en la faveur d'une diffusion à grande échelle en URSS. Tout le système soviétique stalinien et post-stalinien y passe. Abel, en bon héritier de Varlam, n'a plus la moindre idée des valeurs : « Je ne fais plus la différence entre le bien et le mal, ma conscience est dédoublée », confesse-t-il dans une scène onirique. Son confesseur révèle alors son visage, qu'il gardait dans l'ombre : c'est Varlam, qui rit, se moque et s'exclame : « On se confesse au diable, maintenant ? ».


Finalement, Abel se repend. C'est son fils qui le ramène à la raison, pris de honte devant les actes de son grand-père. L'événement qui pousse Abel à déterrer son père et à jeter le cadavre dans la nature est d'une violence inouïe, appuyé par un son dont toute la puissance tient à sa grande simplicité : le sacrifice du petit-fils de Varlam, pour que le fils de ce dernier retrouve un semblant de dignité.


L'acteur principal Avtandil Makharadzé, présent en salle Buñuel pendant la projection, avait dit avant celle-ci qu'il était curieux de voir la réaction des spectateurs, plus de quarante ans après la sortie originale du film.


« Si en 1987, les spectateurs sont sortis de la salle la boule au ventre et des images impérissables plein la tête, alors la réaction est inchangée ».


Critique de Paul MOINGS



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