OSCAR MICHEAUX – THE SUPERHERO OF BLACK FILMMAKING de Francesco Zippel

Sélection Cannes Classics 2021

Oscar Micheaux, un cinéaste visionnaire

Oscar Micheaux, un nom trop peu connu renfermant une vie foisonnante. Ce documentaire retrace son parcours et lève le voile sur un cinéaste afro-américain précurseur de son temps.

Décrire la vie d’un tel cinéaste reviendrait à rédiger un roman. Car en effet, la vie d’Oscar Micheaux est digne d’un récit de fiction passionnant.

« Le documentaire a décidé de la conter au travers de témoignages ainsi que d’une voix off couplée d’images d’archives ».

C’est un format classique dans les documentaires et pour cause, il fonctionne très bien. Néanmoins, l’impact que pourrait avoir le récit de la vie d’Oscar Micheaux sur le public n’est pas aussi important que s’il avait été présenté au travers d’un travail de reconstitution animée. Le format est quelque peu réducteur sur ce versant-là, sans toutefois enlever l’intérêt croissant porté à ce cinéaste. En outre, le documentaire est bien mené pour capter l’attention du spectateur et la garder tout le long de la vie d’Oscar Micheaux, exposée chronologiquement.

Micheaux est issu d’une famille de fermiers afro-américains anciennement esclaves. A partir de cette simple phrase sur ses origines, on comprend le lourd passif intergénérationnel qu’il peut ressentir, d’autant qu’il grandit dans une Amérique toujours aux prises avec un racisme criant. Le jeune Oscar va alors développer une philosophie de vie très américaine d’un certain point de vu, axée sur le Do It Yourself. Le chemin à suivre est simple, en substance : si on peut faire quelque chose soi-même, alors il faut le faire. En pratique, cela demande logiquement une certaine audace dont le jeune Oscar ne manque pas. Installé dans le South Dakota où il mène une vie rude, il commence à écrire sur sa propre vie. Pris dans son aspiration à avoir un impact sur la condition de la communauté afro-américaine aux Etats-Unis, il va lui-même éditer ses écrits et faire du porte à porte pour les vendre. Puis très vite, il s’intéresse au cinéma, nouveau médium de communication, qui peut lui permettre de transmettre ses messages à plus grande échelle. Le jeune écrivain se converti en un cinéaste indépendant. Il fait des films par ses propres moyens, fort de son audace toujours accrue. Véritable routard, il sillonne les routes américaines, allant de ville en ville pour vendre ses films dans les théâtres des communautés afro-américaines.

« Le documentaire nous montre des extraits de ses films qui concrétisent l’engouement suscité pour son travail ».

On a aussi droit à une archive audiovisuelle précieuse d’Oscar Micheaux en plein tournage. Nous pouvons dès lors voir le cinéaste en pleine action, et déceler, même sans bande sonore, le charisme et la prestance inratable de Micheaux lorsqu’il dirige ses acteurs. On sent de suite la fougue qui l’habite et la confiance qu’il détient dans ses actions. Car Micheaux sait où il va et il ne s’arrête pas en chemin. Ses films n’ont pas pour vocation de plaire. Ils sont des témoignages, des portes voix de la réalité de la situation des afro-américains. Micheaux est honnête dans ses films et ose montrer ce qui dérange. Il est presque comme militant puisqu’il ne recule pas face aux risques qu’il encoure dans son travail. Il est engagé et sera engagé pour ses causes jusqu’au bout, se constituant une filmographie riche qui mérite d’être explorée.

C’est ainsi que Micheaux se place en précurseur du cinéma afro-américain. Il s’est emparé de son histoire, celle de sa famille et, plus largement, celle de sa communauté, pour en faire un puissant outil de démonstration de la réalité au même titre qu’un outil de dénonciation par le biais du cinéma.

Critique de Lou Madoré